Plus le compteur tourne, plus je m’interroge sur ma place dans le monde. Coupée brusquement du lieu organisé et sécurisant du monde du travail, je dois à présent m’inventer, me recréer un nouvel univers, un espace de création où j’essaie de vivre mieux. La planète entière est mon terrain de jeu et les êtres humains, les joueurs. Mon art est autobiographique, géographique et relationnel.  Je marche dans la ville ou dans la campagne à la manière de Georges Perec. Le lieu devient existentiel par le mouvement. Poutout où je vais, je cherche quelqu’un avec qui parler. Mon premier projet s’est tenu en 1985 où j’ai fait 19 arrêts en longeant la péninsule gaspésienne. À l’hiver 2010, c’est autour de la Floride que j’ai cherché la chaleur….surtout humaine. De 2010 à 2014, je me suis retrouvée à Paris où j’ai marché la ville mythique pendant quelques mois.

Ma formation universitaire en arts visuels a grandement influencé ma démarche artistique. Le plus souvent loin des galeries et des musées, mon art s’apparente au land art. Je me demande à qui appartient l’espace. À mon avis, l’espace appartient à tout le monde, je le revendique. J’investis les trottoirs, les stationnements et les parcs publics. Je m’installe et j’invite les gens à participer à mon action. Je choisis un thème, je donne la parole au peuple, aux sans-voix, aux inconnus, à la majorité silencieuse dont je suis. J’aime qu’ils me parlent de leur vie au quotidien. En ajoutant cette forme relationnelle à mon action, je crée une symbiose, un équilibre entre moi, la nature et les autres. Je note, j’enregistre, je prends des photos et des vidéos. Je garde des traces. Ensuite, j’analyse et j’interprète, une sorte d’enquête ou de cartographie de la condition humaine. Selon Michel de Certeau, le récit rend vivant l’espace pratiqué.

L’incertitude et l’imprévu demeurent essentiels. De ce que l’on pourrait appeler une installation-performance-enquête, je retrouve la vie, je me sens en phase avec le monde, mon monde. Comme le dit la chanson: « juste pour voir le monde ».  Je me sens ainsi moins seule.

Du 17 au 30 juin 2013, à la Galerie d’art du Centre culturel de l’Université de  Sherbrooke, je reviens à la charge avec le territoire gaspésien. C’est avec la performance : « La Gaspésie est une carte postale » que je soulève la question de l’exode, du dépeuplement de ces habitants au profit de la ville. En ce moment, tout le mois de mai 2014, je suis à Paris sur les traces de La Recherche de Marcel Proust. Cet été qui vient, 2014, je suisen Gaspésie où je poursuis mon projet : La Gaspésie est une carte postale. Je vous invite à y participer. À bientôt j’espère.